Terminons le premier round de questions à Vanessa et Maxime, en préambule à la conférence qu’ils animeront le 14/03 sur le thème de l’ergonomie appliquée aux solutions mobiles :
Y-a-t-il des types de projets pour lesquels l’approche ergonomique est incontournable ?
Maxime : Pour moi, l’ergonomie est importante sur tous les projets. Pour le web mobile, elle permet de faire la différence dans un secteur très concurrentiel. Plus l’utilisateur est performant, plus il utilise un produit, et plus la société fait des retours sur investissement, donc des profits. C’est une valeur ajoutée qui fait la différence, au même titre que l’aspect esthétique.
Dans un secteur innovant ou professionnel, elle permet une meilleure acceptabilité du produit par les utilisateurs. Le projet de Vanessa en Afrique, que nous aborderons pendant la conférence, en est d’ailleurs un bon exemple.
Toutefois, l’ergonomie n’est pas seulement une histoire d’IHM, elle doit s’intéresser au contexte d’utilisation d’un produit qui comprend l’environnement, la culture et les compétences des utilisateurs ainsi que leur accès à la technologie. L’ergonomie doit permettre d’optimiser la forme (IHM) et le fond (contenu adapté).
Quels sont les outils ou techniques que vous utilisez le plus souvent ?
Maxime : Plus que des outils, ce sont des méthodes d’intervention qui permettent de faire de l’ergonomie : entretien, séance de conception participative, grille d’analyse, tests utilisateurs avec ou sans eye-tracking, études bibliographiques, observation, etc. Ces méthodes permettent de récolter des données sur les utilisateurs, et c’est dans le traitement et la formalisation de ces données que le travail de l’ergonome prend toute sa valeur.
Ensuite, pour formaliser, j’utilise des outils de bureautiques pour faire des représentations graphiques, des graphes et pour rédiger mes recommandations. Généralement, ça donne un gros rapport qu’il faut adapter aux personnes qui devront concevoir le produit. Du coup, pour rendre le travail plus parlant et pour qu’il soit lu par un maximum de monde, je fais des maquettes et des storyboard via Axure ou Balsamiq que j’annote. C’est beaucoup plus compréhensible et lisible car personne ne lit les rapports de 100 pages.
Existe-t-il des outils qui facilitent le travail en conception lorsqu’on n’a pas le temps ou les ressources pour faire appel à l’expertise d’un(e) ergonome ?
Maxime : Pour moi tout le monde peut faire de l’ergonomie à moindre coût, il suffit d’un budget de temps nécessaire et d’avoir un recul objectif sur son produit ainsi que des capacités d’analyse importantes pour traiter les données. Du coup, il est tout a fait possible d’améliorer l’ergonomie d’un produit en réalisant des tests utilisateurs « quick n’ dirty » avec quelques utilisateurs et/ou d’utiliser une grille de critères que l’on trouve facilement sur le web. En parlant ainsi, je ne prêche pas pour ma paroisse, mais je pourrais aussi vous dire qu’un développeur pourrait très bien faire le travail d’un infographiste.
Ce qui est important, c’est que l’ergonomie doit être faite par une personne qui possède le temps, les méthodes et l’expérience pour mener à bien son étude sur l’utilité et l’utilisabilité d’un produit. Et qui de mieux pour collaborer à ces questions que des ergonomes rompus aux méthodes de tri de cartes, de tests utilisateurs, d’entretien, de maquettage, etc.
Avez-vous noté une évolution de votre métier ces dernières années ?
Vanessa : L’ergonomie cognitive, qui se distingue de l’ergonomie physique, est au départ la science qui analyse les interactions entre l’homme et son environnement de travail avec comme objectif d’en améliorer les conditions. L’ergonomie informatique, qui découle de l’ergonomie cognitive, est beaucoup plus récente. Cette notion englobe le principe d’utilisabilité qui correspond à la capacité d’un produit ou d’un service informatique à permettre à son utilisateur de réaliser une tâche – pour laquelle le produit a été conçu – avec efficacité, efficience et satisfaction.
Après cette définition rapide, je dirai que l’évolution de notre métier tient en la formation d’autres métiers à des modules en ergonomie. Cela amène à une confusion dans la compréhension de ce que chacun peut/sait faire.
Aujourd’hui, on parle de designer d’interaction, de spécialiste UX et tout se mélange un peu. Ce qui est important de garder à l’esprit est que l’ergonome connait, en partie, le fonctionnement du cerveau humain, il est garant de l’analyse fine de la tâche et de l’activité des utilisateurs et les résultats de son étude ne se limitent pas seulement au maquettage.
Maxime : Pendant mes 5 années d’expérience, j’ai constaté que le métier n’avait pas vraiment changé, mais les profils et les titres avaient changé. Tout le monde fait de l’ergonomie, c’est devenu une compétence plus qu’un métier. Aujourd’hui, les designers d’interaction, les UX designers, les développeurs, les web designers, les designers, etc. utilisent des méthodes similaires à celle de l’ergonomie pour des objectifs identiques. La compétition est rude.
Je me souviens de la conférence de Maurice Svay sur les tests quick’n dirty en web agency. La première fois que j’ai vu cette vidéo, je me suis dit que l’on était en train d’enterrer mon métier. Toutefois, avec du recul, il est quand même préférable d’avoir un peu d’ergonomie que pas du tout. D’ailleurs, la mission de FLUPA va bien dans ce sens, et il n’est pas question de faire de l’ergonomie qu’une affaire d’ergonome.
Et puis, il y a des technologies où l’ergonomie est moins mature que dans le web. Mais le problème reste le même, il faut un budget et du temps. Ce qu’on oublie aussi, c’est qu’il faut surtout une expertise qui va vous faire gagner du temps et de l’argent.
Selon vous, quel est l’avenir de l’ergonomie / l’expertise en ergonomie ? (web mobile, nouveaux usages, nouveaux supports, etc.)
Maxime : L’avenir de l’ergonomie est parallèle à celui de la technologie. A chaque nouvelle technologie qui émerge, de nouveaux problèmes d’usage se posent et de nouveaux services se créent, qui ont besoin d’être facilement utilisables pour être acceptés par les utilisateurs. Du coup, il y aura toujours un besoin. Et puis le marché de l’ergonomie sait aussi se réinventer pour relancer des concepts pas si nouveaux : UX, Usability, Persuasive design, etc.
Vanessa : Tant qu’il y aura des utilisateurs et des interfaces, il y aura besoin d’ergonomes. Nos études évoluent en fonction des innovations, par exemple les interfaces tactiles nous ont amené à redéfinir les usages, et il est toujours nécessaire de faire appel à des utilisateurs pour comprendre ce qui sera logique pour eux. Ces études nous permettent notamment de réaliser des guidelines très utiles pour la conception.
Merci encore à vous deux et rendez-vous le 14 mars !
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